La situation hydrique en Tunisie demeure préoccupante. En effet, la demande en eau dépasse largement les ressources disponibles. D’où l’importance d’adopter de nouvelles politiques soucieuses d’une utilisation rationnelle de l’eau. L’état des lieux actuel devra inciter le gouvernement à plus d’anticipation et surtout à réadapter sa stratégie en la matière. L’effort consenti par l’Etat en investissant massivement dans la construction de stations de dessalement de l’eau de mer et de réutilisation des eaux usées doit être accompagné d’une politique rationnelle qui sied à l’état de stress hydrique qui guette toujours notre pays.
Des années durant, la Tunisie a fait face à une crise hydrique inédite due à la rareté des précipitations, le taux critique de remplissage des barrages et le tarissement des nappes phréatiques. Le gouvernement a réagi en mettant en place des mesures d’urgence, telles que l’accélération de la construction de stations de dessalement de l’eau de mer et de réutilisation des eaux usées qui figurent parmi les premières priorités dans l’agenda gouvernemental pour gérer le déficit hydrique devenu structurel.
Selon la vision stratégique du secteur de l’eau à l’horizon 2050, l’approvisionnement en eau potable sera assuré par le dessalement des eaux. Dans ce cadre, le gouvernement a mis en place un plan visant à réaliser plusieurs stations afin d’atteindre le meilleur niveau possible de production. Cette approche vise à diversifier les sources d’approvisionnement en eau, assurant ainsi une plus grande résilience face à la crise hydrique. Néanmoins, malgré les efforts déployés, la situation reste toujours tendue. La sécheresse a touché différents bassins hydrauliques et les barrages ont soif d’eau.
Selon les indicateurs, les ressources en eau de surface s’élevaient à 2,7 milliards de mètres cubes par an, tandis que les ressources en eau non conventionnelles, liées au dessalement de l’eau et au traitement des eaux usées, atteignaient 350 millions de mètres cubes par an. Sur la base d’une part moyenne d’eau par habitant de 420 mètres cubes par an, la Tunisie se situe en dessous du seuil de pénurie d’eau estimé à 500 mètres cubes par an et par habitant.
Tout repenser
Pour faire face à la situation actuelle, le gouvernement ne néglige aucune piste susceptible de générer des économies d’eau, et incite les citoyens à changer leur rapport par rapport à cette ressource. L’action majeure, crédible et efficace à ce niveau-là, doit se concentrer prioritairement sur l’agriculture qui capte, selon les chiffres, plus de 80% de la ressource disponible. Les agriculteurs doivent concentrer davantage les systèmes d’économie de l’eau d’irrigation dans des cultures consommatrices d’eau à l’instar des palmiers dattiers, qui consomment plus de 20.000 mètres cubes d’eau par hectare et par an. Cela reviendrait aussi à repenser le modèle agricole actuel. Les responsables adhèrent de plus en plus à cette thèse, même s’ils ne traduisent pas cette prise de conscience dans les actes. Aujourd’hui, il semble qu’il faudrait une conception autre de la politique agricole, où les choix de production doivent être subordonnés à l’état des ressources, c’est-à-dire qu’on ne peut plus produire n’importe quoi, n’importe où… Autrement dit, les choix de politique agricole doivent être orientés par les deux seuls critères les plus importants : les ressources naturelles et la souveraineté alimentaire. Il faudrait, à un niveau global, se fixer des objectifs clairs en termes de sécurité alimentaire et de préservation des ressources. Clairement, la gestion de cette crise hydrique en Tunisie nécessite une approche combinant des mesures d’urgence à court terme avec des initiatives à long terme bien réfléchies.
Situation critique
Le bilan dressé par le secrétaire d’Etat chargé des Ressources hydrauliques, Ridha Gabouj, montre que la situation des barrages est toujours critique. Malgré les améliorations enregistrées au niveau du stock d’eau par rapport à l’année précédente, la répartition de ce stock varie d’un barrage à l’autre.
La répartition de l’eau au niveau des barrages pourrait être pire que l’année dernière, notamment en ce qui concerne l’eau potable au niveau du système de l’Extrême-Nord, qui souffre d’une remarquable pénurie au niveau de certains barrages principaux tels que les barrages de Sidi El-Barrak et de Séjnène. D’après les derniers statistiques, le taux de remplissage des barrages a atteint environ 30%, soit 3 fois supérieur que l’année dernière, mais toujours à moins de 50% du taux de remplissage normal en cette période de l’année.
Dans le même contexte, le ministère de l’Agriculture compte relier les barrages entre eux pour assurer l’approvisionnement en ressources, notamment pour les grandes villes et le littoral, où la demande est forte.
Le plan de la Sonede pour 2024
La Sonede a établi un nouveau plan d’action pour faire face au pic de consommation au cours de l’été 2024. Ce plan prévoit l’élaboration d’un programme comprenant 83 interventions et opérations dans différentes villes de la République qui consiste en l’exploitation des eaux souterraines, l’entretien et le renouvellement de certains équipements de pompage, la sensibilisation à la rationalisation de la consommation et à l’économie d’eau, outre l’ouverture avant l’été 2024 des deux usines de dessalement d’eau de mer à Sfax.
Le plan de travail de la société à court terme dans la zone rurale comprend l’achèvement de 114 projets au profit de 148 mille habitants avant l’été prochain, en plus du traitement de l’endettement d’un certain nombre de complexes aquatiques.